Nous sommes ici réunis pour dire un dernier adieu à une collègue et amie très chère qui nous a quittés mais dont le souvenir demeurera toujours vivant dans nos coeurs.
Dans sa pièce Mère Courage, Bertold Brecht met en scène une femme qui, au milieu d'épreuves terribles, démontre une force de caractère peu commune et fait de sa lutte contre la guerre une véritable raison de vivre. C'est cette image qui s'imposait à nous en regardant Chantal tout au long de ces dernières années. Chantal, notre Mère Courage.
Tous ceux qui l'ont côtoyée au cours de cette période ont pu admirer sa farouche détermination, sa dignité dans l'épreuve, sa soif de vivre et sa sagesse.
Face
à la maladie, elle s'est pliée sans broncher aux
exigences des traitements, collaborant lucidement avec l'équipe
de soignants. Mais parallèlement elle poursuivait un cheminement intérieur, une réflexion sur la vie qui, il faut l'espérer, a adouci ses derniers jours.
Ceux qui l'ont vue dans les derniers temps se souviendront de ses paroles de gratitude envers tous ceux qui l'entouraient, sans que jamais un mot de plainte ne soit prononcé.
Nous devrons tous un jour aborder notre propre fin. Chantal nous a donné un modèle à suivre pour nous y préparer. Elle nous aura appris que la maladie, si cruelle soit-elle, n'empêche pas la réalisation de soi et l'appréciation de la vie.
Mais elle ne s'est pas contentée de lutter pour elle-même. Elle a voulu partager avec d'autres son expérience de la maladie en participant à des groupes de soutien et en collaborant à un bulletin destiné aux malades atteints comme elle du cancer. Les livres dont elle faisait la recension étaient toujours choisis en fonction de leur capacité à faire avancer la réflexion et l'affirmation de la vie.
C'est en 1974 que Chantal est arrivée au Collège Vanier, toute jeune mais déjà férue de pédagogie. Élevée dans un milieu d'éducateurs, par des parents admirables, elle aspirait profondément à ne pas démériter de leur amour et de leurs enseignements. Ils étaient pour elle les modèles dont elle s'inspirait. Nous l'avons toujours vue rigoureuse, d'une rectitude morale absolue, exigeante envers elle-même, dynamique, mais clown aussi , «rigolote», comme elle aimait à se décrire elle-même. Elle savait raconter avec drôlerie, rire et faire rire, mais également partager avec nous ses multiples intérêts pour la lecture, le jardinage, l'architecture ou l'histoire. Son entrain et sa bonne humeur en classe lui gagnaient la sympathie de ses étudiants, qu'il s'agisse des collégiens de Vanier, ou des étudiants adultes de l'École d'été de l'Université de Montréal, ou de ceux de l'Université Concordia, où elle fut chargée de cours. Ses talents de pédagogue ont également été mis à contribution pour la production de matériel didactique d'accompagnement pour des livres de lecture pour enfants.
Lors de la création du Centre d'aide en français, elle fut une des premières à offrir son assistance à la coordinatrice du projet et à se former en informatique afin de pouvoir offrir une aide de qualité aux étudiants. Cléo lui tenait à coeur, elle en fut une des pionnières et elle était fière de le voir grandir et devenir un des plus beaux fleurons de notre département. Dans le travail comme en dehors
du travail, elle fut une amie fiable, attachante, généreuse, qui savait
écouter et répondre avec justesse. Elle savait aussi mettre un brin de
folie dans nos vies.
Si l'amitié a tenu une grande place dans sa vie, rien ne l'a autant comblée que la naissance de sa fille Miléna. Miléna, qui a constamment occupé sa pensée, et à qui elle voulait laisser un exemple de courage. Certains d'entre nous, ayant des enfants du même âge, gardent un précieux souvenir des promenades au parc, des fêtes d'enfants, des activités à la garderie du collège.
Chantal a eu à ses côtés son mari Dusan, dont le dévouement ne s'est jamais démenti, et qui l'a constamment soutenue dans sa lutte. Nous, ses collègues et amis, avons fait de notre mieux pour l'accompagner dans les dernières étapes de sa maladie, tandis que ceux qui étaient loin, ses frères et soeur, sa mère, l'ont soutenue de leur amour et de leurs visites. Chantal nous parlait beaucoup d'eux et des bons moments qu'ils avaient passés ensemble. Elle les savait près d'elle par le coeur et par la pensée et puisait un grand réconfort dans cette certitude. Ils nous sont devenus très familiers, que nous les ayons rencontrés ou non, et nous voulons leur dire ici combien ils ont tous été importants dans la vie de Chantal, et combien nous partageons leur peine. |