Mon amie est partie

Mon amie est partie vers le grand infini
Dans son regard si bleu plus le moindre souci
Ses pétales flétris se sont éparpillés
Dans le vent du désert ils voltigent légers.

De la vie effacée, de son souffle privée
De sa fille arrachée plus le moindre baiser
Dans le vide s’élance et s’enfuit loin de tout
Dans le noir elle plonge et s’éloigne de nous.

Terminés la douleur, les efforts et la peur
Achevé le combat pour toi petite sœur
Plus jamais de chimio, plus la moindre morphine
Ne viendront envahir ton sang, tes veines fines.

Au revoir, il est tard, tu es si fatiguée
Sous la terre il fait froid, je ne peux t’oublier
De ta trop courte vie j’entends la symphonie
De ma gorge ce cri : Mon amie est partie!


Anne Aucy

1999





Chantal, notre Mère Courage

Texte de Simone Paradis lu le jour des funérailles de Chantal


Nous sommes ici réunis pour dire un dernier adieu à une collègue et
amie très chère qui nous a quittés mais dont le souvenir demeurera
toujours vivant dans nos coeurs.

Dans sa pièce Mère Courage, Bertold Brecht met en scène une femme
qui, au milieu d'épreuves terribles, démontre une force de caractère
peu commune et fait de sa lutte contre la guerre une véritable raison
de vivre. C'est cette image qui s'imposait à nous en regardant Chantal tout au
long de ces dernières années.  Chantal, notre Mère Courage. 

Tous ceux qui l'ont côtoyée au cours de cette période ont pu admirer
sa farouche détermination, sa dignité dans l'épreuve, sa soif de vivre
et sa sagesse.

Face à la maladie, elle s'est pliée sans broncher aux exigences des traitements, collaborant lucidement avec l'équipe de soignants. Mais parallèlement
elle poursuivait un cheminement intérieur, une réflexion sur la vie qui,
il faut l'espérer, a adouci ses derniers jours.

Ceux qui l'ont vue dans les derniers temps se souviendront de ses paroles
de gratitude envers tous ceux qui l'entouraient, sans que jamais
un mot de plainte ne soit prononcé. 

Nous devrons tous un jour aborder notre propre fin.  Chantal nous a
donné un modèle à suivre pour nous y préparer.  Elle nous aura appris
que la maladie, si cruelle soit-elle, n'empêche pas la réalisation de
soi et l'appréciation de la vie.

Mais elle ne s'est pas contentée de lutter pour elle-même.  Elle a
voulu partager avec d'autres son expérience de la maladie en
participant à des groupes de soutien et en collaborant à un bulletin
destiné aux malades atteints comme elle du cancer. Les livres dont
elle faisait la recension étaient toujours choisis en fonction de leur
capacité à faire avancer la réflexion et l'affirmation de la vie.

C'est en 1974 que Chantal est arrivée au Collège Vanier, toute jeune
mais déjà férue de pédagogie.  Élevée dans un milieu d'éducateurs, par
des parents admirables, elle aspirait profondément à ne pas démériter
de leur amour et de leurs enseignements. Ils étaient pour elle les
modèles dont elle s'inspirait.  Nous l'avons toujours vue rigoureuse,
d'une rectitude morale absolue, exigeante envers elle-même, dynamique,
mais clown aussi , «rigolote», comme elle aimait à se décrire
elle-même.  Elle savait raconter avec drôlerie, rire et faire rire,
mais également partager avec nous ses multiples intérêts pour la
lecture, le jardinage, l'architecture ou l'histoire. Son entrain et sa
bonne humeur en classe lui gagnaient la sympathie de ses étudiants,
qu'il s'agisse des collégiens de Vanier, ou des étudiants adultes de
l'École d'été de l'Université de Montréal, ou de ceux de l'Université
Concordia, où elle fut chargée de cours.  Ses talents de pédagogue ont
également été mis à contribution pour la production de matériel
didactique d'accompagnement pour des livres de lecture pour enfants.

Lors de la création du Centre d'aide en français, elle fut
une des premières à offrir son assistance à la coordinatrice du projet
et à se former en informatique afin de pouvoir offrir une aide de
qualité aux étudiants.  Cléo lui tenait à coeur, elle en fut une des
pionnières et elle était fière de le voir grandir et devenir un des
plus beaux fleurons de notre département.  Dans le travail comme en
dehors du travail, elle fut une amie fiable, attachante, généreuse,
qui savait écouter et répondre avec justesse.
Elle savait aussi mettre un brin de folie dans nos vies.

Si l'amitié a tenu une grande place dans sa vie, rien ne l'a autant
comblée que la naissance de sa fille Miléna.  Miléna, qui a
constamment occupé sa pensée, et à qui elle voulait laisser un exemple
de courage. Certains d'entre nous, ayant des enfants du même âge,
gardent un précieux souvenir des promenades au parc, des fêtes
d'enfants, des activités à la garderie du collège.

Chantal a eu à ses côtés son mari Dusan, dont le dévouement ne s'est
jamais démenti, et qui l'a constamment soutenue dans sa lutte.  Nous,
ses collègues et amis, avons fait de notre mieux pour l'accompagner
dans les dernières étapes de sa maladie, tandis que ceux qui étaient
loin, ses frères et soeur, sa mère, l'ont soutenue de leur amour et de
leurs visites.  Chantal nous parlait beaucoup d'eux et des bons
moments qu'ils avaient passés ensemble.  Elle les savait près d'elle
par le coeur et par la pensée et puisait un grand réconfort dans cette
certitude.  Ils nous sont devenus très familiers, que nous les ayons
rencontrés ou non, et nous voulons leur dire ici combien ils ont tous
été importants dans la vie de Chantal, et combien nous partageons leur
peine.




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